DARK WATER


En 1976 Steven Spielberg flanquait la frousse à des millions de spectateurs à travers le monde avec ses " dents de la mer ". L'eau devenait alors un territoire méconnu où la menace délogeait le plaisir de la baignade du quidam vacancier. Aujourd'hui c'est au tour de Hideo Nakata de prendre le relais et de tourmenter ses spectateurs. Mais à l'inverse du nabab hollywoodien qui se servait de l'eau de la mer comme source de danger, le cinéaste japonais préfère l'eau du robinet, celle que tout le monde connaît, boit, celle dont on se sert pour arroser les plantes ou pour prendre la douche… Bref celle qui fait partie de notre quotidien. Dark Water s'attache à nous raconter l'histoire d'une mère qui après un divorce emménage dans un nouvel appartement avec sa fille pour recommencer une nouvelle vie. La fille se fait inscrire à l'école du coin, la mère trouve un boulot dans le domaine de l'édition, tout semble bien se passer jusqu'au jour où cette dernière aperçoit une tâche d'eau au plafond qui ne cesse de s'étendre de jours en jours. Les apparitions régulières d'un sac rouge sèment définitivement le trouble chez la mère.
On le sait, depuis quelques années le Japon va mal sur le plan économique et s'avère à avoir des difficultés à se sortir de ce marasme. Et Hideo Nakata semble traduire ce malaise dans quelques-uns de ses films dont Dark Water qui laisse entrevoir en filigrane le contexte social environnant. Le réalisateur nippon pose alors sa caméra dans l'appartement pour y enregistrer les dégradations d'une famille en proie à la précarité sociale et professionnelle. Nakata s'intéresse aux détails, aux simples objets qui peuvent nuire aux individus : il a un certain goût pour le fétichisme en somme. Cela avait été confirmé par Ring dans lequel une cassette causait bien des malheurs aux personnes qui la visionnaient. Dans Dark Water, le maléfice prend la forme d'un sac rouge. Cette façon de vouloir prendre des objets communs accroît le sentiment d'inquiétude. Cette simple tâche d'eau qui s'agrandit sans limite laisse présager le pire s'agissant du sort des deux principaux protagonistes. A un moment, un dessin provoquera même un semblant d'effroi. Tout semble alors être synonyme de danger. Et l'eau, qui normalement est source de vie, se retrouve comme génératrice des pires maux. L'appréhension du spectateur se fait d'autant plus forte quant au dénouement qui lui saura proposer.
De la même manière que cette femme qui avance vers l'inconnu pour découvrir la cause de ses malédictions, le spectateur se retrouve également dans la même posture. La mise en scène de Nakata extrêmement épurée laisse les personnages à leurs phobies, comme un sort auquel on ne peut échapper. C'est alors que le film bifurque sur le mélo remettant en jeu l'amour d'une mère envers sa fille, laissant éclater une émotion soudaine et inattendue. Le film n'en devient que plus intense dans sa forme prosaïque. En tout état de cause, Dark Water confirme tout le talent de Nakata auquel les studios américains ont été sensibles puisque ils ont déjà racheté quatre films du cinéaste japonais pour en faire des remakes.

(Blop)

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