LA CITE DE DIEU


Avec La Cité de dieu (Cidade de Deus), le réalisateur brésilien, Fernando Mireilles, entreprend une plongée fulgurante dans les favelas de son pays natal pendant les années 60. Ces quartiers où la pauvreté dicte le quotidien de ses habitants ne leur offrant aucune alternative convenable. La seule issue pour ses gamins (dont la moyenne d'âge est d'environs 15 ans) de s'en sortir étant le crime organisé. On braque un camion transportant du gaz, en passant on dévalise le conducteur des quelques sous qu'il possède sur lui, puis on continue en dévalisant les occupants d'un hôtel assez huppé, où un minot d'à peine 12 ans prend plaisir à tuer sur tout ce qui bouge. Puis avec l'âge on monte un trafic de cocaïne où la concurrence est soumise à la dure loi de Talion : œil pour œil, dent pour dent. En effet ici on n'hésite pas à éliminer ses adversaires pour le bien du commerce. Finalement on a plutôt l'impression que le cinéaste nous renvoie l'image d'un crime complètement désorganisé où les sursauts psychologiques vont bon train, les voyous étant uniquement guidés par le vil appât du gain, ce qui ne sera pas sans faire des morts, le tout sans ignominie, ni vergogne.

Au milieu de ce gangstérisme barbare, subsiste Fusée, habitant de la favela, qui lui ne s'est jamais éloigné du droit chemin, ayant pour but de devenir un jour photographe. Et c'est à travers ce personnage que le réalisateur décide de nous faire suivre l'histoire. Avec une structure entièrement chamboulée, à la manière de Pulp Fiction ou Reservoir Dogs pour ne citer que ces deux films de Quentin Tarantino dont l'influence est notable, Fernando Mireilles fait de son film un authentique chapitrage des pires exactions de ces jeunes malfrats, la voix off de Fusée étant là pour revenir ou passer à un événement particulier ou pas. Cette narration éclatée où chaque scène se retrouve sans cesse reléguée les unes par rapport aux autres selon le cadre de l'action, traduit le désordre intérieur de la favela que l'Etat a délaissé depuis bien longtemps et désormais récupérée par Dieu (d'où le titre du film).

Et ce désordre va également se retrouver dans l'esthétique même du film à coups d'accélérés névrotiques pourchassant une balle de revolver avant de se loger dans la cible, d'arrêts brutaux sur image, et d'effets stroboscopiques. De fait le film de Mireilles s'éloigne du documentaire privilégiant la forme sur le fond, ça pourrait d'ailleurs ressembler au psychédélisme scorsésien des années 70 en moins réussi. On peut le regretter tant le cinéaste brésilien se complait à nous montrer les pires horreurs (le film est interdit aux moins de 16 ans) mais il a voulu traduire formellement le climat d'une favela sous haute tension. Il est vrai que l'on apprend très peu d'un point de vue social sur la vie de ses gens. En revanche Fernando Mireilles décrit ses personnages de manière assez humaine comme par exemple les premiers émois amoureux. De là vient sûrement la petite faiblesse du film. Le réalisateur cautionne la sympathie de ses personnages pour pouvoir ensuite mieux choquer le spectateur notamment lors d'une scène atroce où l'un des truands s'amuse à torturer un gamin de 11 ans en lui tirant dans la main. En tout cas difficile de rester insensible devant un tel film.

(Blop)

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